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Un crime méconnu (1/2) : les agressions sexuelles contre les Marocaines dans les camps du polisario (étude)

Un crime méconnu (1/2) : les agressions sexuelles contre les Marocaines dans les camps du polisario (étude)

L'histoire a déjà documenté la manière dont les camps de Tindouf ont été constitués. L'armée algérienne était entrée dans les provinces sahariennes au moment de sa décolonisation, et donc de l'évacuation des troupes espagnoles, et a conduit des milliers de personnes qu'elle a installées dans des camps à Tindouf pour créer le mythe des réfugiés auxquels Alger a fait subir des lavages de cerveau.

Cette population a par la suite été renforcée par des milliers de personnes de toutes origines, ce qui explique d'ailleurs pourquoi et malgré les demandes répétées de l'ONU, il n'a jamais été possible de recenser les habitants des camps de Tindouf. L'histoire rapporte également comment à l'occasion de ces incursions algériennes, les FAR ont défait l'armée algérienne, faisant notamment 120 prisonniers dans les deux batailles d'Amgala.

Un autre drame est resté méconnu : celui des centaines ou milliers de Sahraouies, donc des Marocaines, enlevées, conduites de force dans les camps de Tindouf par le polisario, avant la construction de la ceinture de défense, où elles ont subi toutes sortes de crimes innommables.

Ci-après, nous dévoilons la première étude marocaine à ce sujet. Cet article sera suivi du témoignage édifiant du capitaine Ali Najab, ancien prisonnier du polisario.

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Dans les prisons du polisario, des milliers d’hommes et de femmes sahraouis marocains ont été (certains le sont encore) incarcérés sans procès ni inculpations pendant des années. Ils sont victimes de toutes sortes de violences, allant de la torture au meurtre, en passant par les mutilations et les expériences médicales graves, autant de crimes insuffisamment médiatisés.

Les quelques témoins qui ont été libérés, ou ayant réussi à s’évader, décrivent des violences sans nom. Après leur libération, ils sont qualifiés par les associations de squelettes vivants en raison des tortures subies.

Jusque-là, la majorité des témoignages cités dans différentes études et articles évoquaient principalement les violences exercées sur les hommes dans ces camps. Une étude récente, qui s’appuie sur des témoignages recueillis auprès d’anciens détenus marocains évadés, dont ceux de cinq femmes, vient confirmer que les femmes marocaines sahraouies ont été ou sont aussi soumises à différents abus et tortures, principalement des viols, le but du polisario étant d’accroître "sa population".

Qui sont ces femmes ? Comment ont-elles été traitées dans les prisons des camps du polisario ? Ont-elles été victimes de violations des droits humains ? Quelles en sont les conséquences ? Des questions auxquelles l’étude, réalisée par Malika Bensahra et Fatima Amrani de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès, apporte des réponses.

Au-delà du caractère scientifique de l'étude, on ne peut s'empêcher d'être choqué par les révélations ainsi faites.

 

Expériences médicales graves, torture et prélèvement de sang jusqu’à 12 fois par an

 

Lors des affrontements entre l’armée marocaine et les troupes du polisario, de nombreux Marocains ont été capturés et incarcérés dans les camps de prisonniers du polisario.

La majorité des prisonniers ont été traités de manière brutale après leur capture. Ils ont été soumis à des violences physiques et battus à l'aide d'un câble électrique lors des interrogatoires. Ces violations ont même causé la mort de nombreux détenus. D’autres ont perdu la raison.

D’autres ont été exécutés, simplement par ce qu’ils avaient volé des cigarettes ou des boîtes de confiture. L’enfermement était une autre technique utilisée par le polisario pour torturer les détenus. L’un d’entre eux a ainsi été enfermé dans une malle en tôle pendant une année entière, et n’en sortait qu’une heure par jour.

Le refus d’effectuer un travail forcé était également l’une des raisons pour lesquelles le polisario soumettait les prisonniers marocains à de graves sévices physiques.

Les membres du polisario ont même forcé les détenus, qui pourtant souffraient d'un manque de soins et de carences nutritionnelles, à donner leur sang 5 à 10 fois par an, et jusqu’à 12 fois par an pour certains. Ce sang, qui était donc prélevé sans leur consentement, était destiné aux résidents des camps de Tindouf, qu'ils soient militaires ou civils.

 

Des femmes jeunes, capturées et violentées

 

Outre les hommes, les femmes marocaines sahraouies ont également été violentées dans les camps du polisario. Elles ont ainsi subi des violations des droits de l’enfant quand elles étaient très jeunes, et des violations des droits de l’Homme une fois adultes.

Selon les témoignages d’hommes et de femmes ayant réussi à s’échapper des camps, recueillis par les auteures de l'étude, les femmes, qui étaient détenues de force, étaient des civiles. Elles étaient jeunes. Des enfants de sexe féminin ont également été capturées.

"J’ai été capturée encore enfant. J’étais avec ma tante et les miliciens du polisario ont attaqué notre zone de résidence. Ils ont pris des enfants et j’en faisais partie", raconte l’une des anciennes détenues.

Ces femmes étaient kidnappées pour de nombreuses raisons. La fertilité et la jeunesse de leurs victimes étaient les principaux critères recherchés par le polisario.

Le statut conjugal de ces femmes ne comptait pas. "Parmi les nombreuses détenues, il y avait des filles, des femmes de 25 et 26 ans, et des femmes mariées avec leurs enfants. Les troupes du polisario connaissent les habitants dans les provinces du Sud du Maroc. Ils connaissent ainsi chaque famille et chaque tribu. Ils ont pillé les maisons des habitants, et ont capturé leurs victimes", relate un autre ancien détenu.

La durée de détention diffère aussi, et cette différence dépend de l’époque à laquelle les détenus ont été kidnappés. Certains détenus comptent entre 18 à 25 ans d’incarcération, contre 5 à 7 ans pour d’autres. Les personnes capturées dans les premières années, après 1975, sont celles qui subissent la plus longue durée de détention par rapport aux autres prisonniers. La raison en est que la cause du Sahara était un problème nouveau et, par conséquent, toute violation ne pouvait être détectée ou révélée facilement.

 

"Toute femme peut être victime d’abus sexuels par n’importe quel homme"

 

La détention des femmes est motivée par la volonté d’accroître "la population" du polisario. Ce constat a été affirmé par la majorité des témoins sondés.

Ainsi, nombre de Marocains œuvrant dans la fonction publique ont été enlevés lors des raids afin d’exercer une sorte de pression sur le gouvernement marocain. Les filles et les femmes marocaines ont pour leur part été capturées pour contribuer à la reproduction.

"Toute femme peut être victime d’abus sexuels par n’importe quel homme, même si elle est mariée. Ils veulent (les membres du polisario, ndlr) que les femmes tombent enceintes et donnent naissance à autant d’enfants que possible", rapporte une ancienne détenue.

L’étude cite également l’exemple d’une jeune femme mariée, qui se dirigeait vers Tan-Tan, et dont le véhicule a été attaqué. Elle a été conduite dans les camps du polisario. Cette femme était mariée au moment de son kidnapping, mais elle a été forcée de se remarier avec un autre résident de Tindouf, afin de donner naissance à d’autres enfants.

"Les hommes dans les camps du polisario ont le droit d’entrer dans n’importe quelle maison ou tente, et d’avoir des relations sexuelles avec la femme à l'intérieur, qu’elle soit célibataire, mariée, veuve ou divorcée. Tout homme a un accès sexuel à n’importe laquelle de ces femmes, quel que soit son statut marital", confirme un autre témoin en parlant de la vie des captives. "Si une femme refuse ou dénonce cette agression sexuelle, elle sera condamnée à mort."

Dans certains camps, les enfants qui y sont nés sont transférés dans un refuge dit "d’éducation". Ils sont donc susceptibles d’adhérer, de croire et de défendre les positions des personnes qui les élèvent, contre les positions et les valeurs de leurs propres familles.

Les hommes étaient par ailleurs privés de nourriture, de sommeil, et de repos. "On nous battait, et nous n’avions pas assez de nourriture. Nous travaillions toute la journée à construire des maisons, ils ne nous ont pas permis de dormir", révèle l’un de ceux qui ont réussi à fuir. "Nous avons effectué des tâches même en été, quand la chaleur atteignait 50 °C, ou parfois plus." Parfois ils ont été forcés de travailler la nuit, en plus de la journée.

 

Troubles psychiques et physiques

 

Ces violations ont eu un impact considérable sur les détenus, variable selon le type de torture auquel ils ont été exposés.

Nombre d’entre eux souffrent de troubles psychologiques et d’anxiété. D’autres souffrent de stress post-traumatique. Ils ne supportent aucune tension et gèrent difficilement tout conflit. Certains anciens détenus souffrent de troubles du sommeil et de problèmes de socialisation.

Outre les troubles psychiques, certains souffrent de problèmes physiques résultant de la sous-alimentation, en l'absence d'une alimentation saine, d’eau potable, de vêtements et de literie de bonne qualité.

"Nous avons souffert de nombreuses maladies liées au cœur, à l’estomac, aux reins et aux yeux", rapporte l’un des anciens détenus. "A cause du manque d’hygiène, nous voyions nos vêtements bouger légèrement, cas ils étaient pleins de poux", ajoute un autre.

Les femmes exposées aux violences sexuelles sont, elles, plus susceptibles de développer un complexe d’infériorité et un manque d'estime de soi.

L'ensemble de ces détenus nécessitent un suivi physique et psychologique. Cela les aidera peut-être à surmonter ce qu’ils ont vécu dans les prisons des camps du polisario, estiment les auteures.

 

Médias24
Kenza Khatla

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